Venerdì, 20 Aprile 2012 21:27

La séparation d’avec Loth (Virginie Larousse)

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Tout au long du récit de la Genèse, la figure du neveu d'Abraham, en contrepoint de celle du patriarche, vient hausser les mérites de ce dernier: bien qu'il soit entièrement dévoué à Yahvé, Abraham n'hésite pas à questionner la parole divine.

Dans la Genèse (19, 30-32), il est dit que « [Loth] s'installa dans une grotte, lui et ses deux filles. L'aînée dit à la cadette: ''Notre père est âgé et il n'y a pas d'homme dans le pays pour s'unir à nous à la manière de tout le monde. Viens, faisons boire du vin à notre père et couchons avec lui; ainsi, de notre père, nous susciterons une descendance"». Le projet scabreux est mis à exécution. Loth enivré, ses filles s'unissent charnellement avec lui. L’une donne naissance à l'ancêtre des Moabites, l'autre à celui des Ammonites.

Canaan et la plaine du Jourdain

L’histoire de Loth s'achève sur cet épisode glauque qui fait de lui l'ancêtre de peuples incestueux, notoirement connus dans la Bible pour être les ennemis jurés d'Israël. Comment le neveu d'Abraham a-t-il pu tomber aussi bas? Comment celui qui, depuis le départ de la Chaldée, marchait dans les pas du patriarche vers le pays de la promesse, s'est-il trouvé réduit à vivre tapi dans une caverne, coupé de toute civilisation - et avec pour seule compagnie celle de jeunes femmes concupiscentes au point de lorgner sur leur propre père? C'est que les chemins d'Abraham et de Loth se sont séparés. Revenus fort riches de leurs pérégrinations en Égypte, les parents ne parviennent plus à cohabiter dans le pays de Canaan. Leurs bergers se querellent. Le sage Abraham veut éviter à tout prix que la situation ne dégénère. Va-t-il profiter de son statut d'aîné pour expédier son neveu dans une contrée moins fertile? Nullement. Insistant sur leur lien de parenté (« nous sommes des frères», lui dit-il en Genèse 13, 8), il laisse à Loth le choix de sa destination. Le jeune homme pose immédiatement son regard sur la verdoyante plaine du Jourdain, faisant fi de la réputation sulfureuse de ses habitants. Alors que son oncle avait su se détourner des paillettes babéliennes, Loth est happé par ce qui lui semble être un jardin d'Éden. Quittant son clan sans témoigner de la moindre gratitude, Loth cède à la trouble attraction de cette terre de vices. Tandis qu'Abraham, resté à Canaan, dresse un autel pour honorer Yahvé, son neveu ne prononce aucune prière.

La libération des opprimés

Ce dernier ne va pas tarder à faire les frais de sa décision. Un conflit armé éclate dans la vallée du Jourdain. Loth, sa famille et ses gens sont faits prisonniers (Genèse 14). Abraham aurait pu laisser son parent se tirer lui-même de cette fâcheuse situation, assumer la responsabilité d'une décision librement consentie. Cependant, animé d'un sentiment profond de fraternité, et en dépit de son grand âge, il se lance dans une guerre de libération des opprimés, révélant une fois de plus tant sa magnanimité que son courage. Parvenu à ses fins, Abraham n'exige rien en contrepartie. Loth va-t-il tirer les leçons de cette aventure? Reprendre le droit chemin que lui avait montré son oncle? Au contraire. Il se remet en route vers Sodome. Mal lui en prend. Car Dieu s'apprête à porter un châtiment mortel sur les villes de Sodome et de Gomorrhe, sur leurs intolérables errances. Avant de le faire, il tient à en informer celui par qui « se béniront toutes les nations de la Terre» (Genèse 18, 18) : l'accent est mis sur l'alliance indéfectible nouée entre Abraham et Dieu. Une alliance telle que le patriarche n'hésite pas à questionner l'Éternel sur ses intentions et à se faire l'avocat des justes qui pourraient demeurer dans ces villes pécheresses. Il n'a pas oublié son neveu. Peut-être espère-t-il, en son for intérieur, que Loth y a prêché la parole de Dieu.

Qu'il est parvenu à faire changer les habitants de cette contrée - ne serait-ce que quelques-uns. Abraham tente le tout pour le tout. Il négocie, en toute humilité - « moi qui suis poussière et cendres » (Genèse 18, 27) - pour que Yahvé épargne ceux qui le méritent. Néanmoins, lorsque les anges de Dieu arrivent à Sodome, le spectacle est affligeant. Il s'y trouve bien un juste: Loth. Mais c'est bien le seul.

Sodome et Gomorrhe en feu

Et lorsque l'on compare Loth à la figure d'Abraham, le contraste est saisissant. Comme son oncle, il offre certes l'hospitalité aux anges... tout en les pressant de repartir au matin (Genèse 19,2). Et quand la population masculine de la cité se presse devant sa maison pour abuser de ses invités, c'est un bien curieux compromis que Loth propose. « Je vous en supplie, mes frères, ne commettez pas le mal! Écoutez: j'ai deux filles qui sont encore vierges, je vais vous les amener: faites-leur ce qui vous semble bon, mais, pour ces hommes, ne leur faites rien» (Genèse 19, 7-8). En somme, Loth se contente d'échanger la luxure contre l'obscénité à des personnes qu'il nomme ses « frères », en dépit de leur iniquité. Aurait-il renoncé à sa vraie famille au profit de tels hommes?Toujours est-il que le châtiment prévu va s'accomplir. Auparavant, l'Unique se doit de respecter l'engagement qu'il a pris auprès de son fidèle serviteur. Loth, qui n'est pas tombé dans la perversion, sera mis à l'abri. Miséricordieux, les anges offrent même de sauver toute sa famille. Pourtant, là encore, que de surprises! Les futurs gendres de Loth ne le prennent pas au sérieux et refusent de quitter la ville. Le neveu d'Abraham lui-même traîne les pieds. Plutôt que de rendre grâce à Dieu de l'épargner, il tergiverse, réticent qu'il est d'abandonner cette opulente région, ses biens, sa maison. Si Abraham, après avoir reçu la parole de Dieu, s'était aussitôt mis en marche, Loth hésite. Les anges doivent le prendre par la main. Lorsqu'ils lui indiquent de se réfugier dans la montagne, avant que le feu et le soufre ne s'abattent sur la plaine, non seulement il n'ouvre pas la bouche pour tenter de sauver les cités, mais encore s'entête-t-il à ne pas obéir aux envoyés de Dieu. Loth veut rester dans la vallée.

Bien que les messagers divins cèdent à ce dernier caprice, il se réfugiera plus tard dans la montagne, craignant que Dieu ne finisse par détruire la ville où il avait élu domicile. La confiance que Loth manifeste envers Yahvé est pour le moins limitée. Tout au long du récit de la Genèse, la figure de Loth, en contrepoint de celle du patriarche, vient hausser les mérites de ce dernier. Alors qu'Abraham est tout entier dans l'action, Loth se complaît dans la passivité. Alors que l'oncle est totalement soumis à Yahvé, Loth se dérobe à lui. Sans son oncle, il n'aurait jamais été sauvé. Abraham, chevalier de la foi, champion du monothéisme, brille par son exemplarité.

Virginie Larousse

(Le monde des religions, n. 45)

 

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Fausto Ferrari

Religioso Marista
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