Jn 11, 1-45
La Samaritaine, l'aveugle-né et Lazare sont des personnages symboliques qui nous représentent tous dans notre condition de créatures limitées, invitées à dépasser leurs limites.
Les mêmes mots font référence à des concepts tellement différents qu'il est difficile de bien les interpréter. De fait, la mort peut advenir au cours d'une vie physiquement saine. Et la Vie advenir avec une santé dégradée. On ne peut déformer le texte au point de lui faire dire autre chose que ce qu'il veut dire. Au terme du Carême il y a beaucoup de sens à tenter d'élucider ce que sont pour Jésus la Vie et la mort.
Dans le récit d’aujourd’hui, tout est symbolique. Les trois frères et soeurs représentent la nouvelle communauté. Jésus est totalement intégré au groupe par son amour envers chacun. Des membres de la communauté se soucient de la santé de l'un d'entre eux.
Si Jésus avait voulu sauver la vie biologique de Lazare, il aurait commencé par le soigner. Ce qui aurait été plus facile que de le ressusciter. Mais son intention n'était pas de guérir la maladie, mais de manifester la Vie. Raison pour laquelle il attend que la mort soit clairement confirmée (quatre jours, il sent déjà).
Si nous continuons à nous demander si Lazare est ressuscité ou non, nous sommes encore du coté des morts. L'alternative n'est pas entre cette vie ici bas seulement et une autre vie qui serait la poursuite de celle ci. L'alternative est: la vie biologique seulement ou la Vie définitive pendant cette vie et au delà.
Que Lazare ressuscite pour mourir encore quelques années plus tard ne solutionne rien. Il serait ridicule de croire que tel a été l'objectif de Jésus. Il est vraiment surprenant que ni les autres évangélistes ni aucun autre écrit du NT ne mentionne un fait aussi spectaculaire que la résurrection d'un corps déjà en décomposition. Souvenez vous que les synoptiques rapportent jusqu'à la guérison de la grippe de la belle-mère de Pierre.
Jésus ne vient pas pour prolonger la vie physique, il vient communiquer la Vie de Dieu qu'il possède lui même et dont il peut disposer (5,26). Cette Vie-là annule le caractère de catastrophe de la mort biologique. C'est la vie même de Dieu qu'il possède par l'esprit.
Pour que cette Vie puisse parvenir à l'homme, l'adhésion à Jésus est indispensable. A cette adhésion il répond par le don de l'Esprit-Vie, naissance à une Vie nouvelle qui se situe plus en-deçà et plus au delà de la mort physique. Ce qu'il veut nous dire, c'est que tout être qui a une attitude comme celle qu'a eu Jésus durant sa vie, participe de cette Vie-là, même sans avoir connu Jésus.
Résurrection est un terme relatif, il suppose un état antérieur de vie physique. « Je suis la Résurrection » indique que c'est quelque chose de présent, pas futur et éloigné. Il n'est pas nécessaire d'attendre la mort pour obtenir la Vie.
Le terme de « résurrection » exprime seulement sa relation avec la vie biologique maintenant achevée. Cf 5,24: « Qui écoute mon message et croit à celui qui m'a envoyé, possède la Vie définitive ».
Jésus corrige la conception traditionnelle de « résurrection du dernier jour », que Marthe partageait avec les pharisiens. Pour Jean, le dernier jour est celui de la mort de Jésus, jour où avec le don de l'Esprit, la création de l'homme est achevée. Voilà la foi que Jésus attend de Marthe. Il ne s'agit pas de croire que Jésus peut ressusciter les morts, mais d'accepter la Vie définitive que Jésus possède et peut communiquer à qui croit en lui. Nous partageons aujourd'hui encore la foi en l'au delà de Marthe que Jésus déclare insuffisante. Nous continuons d'attendre une vie biologique éternelle, c'est celle qui nous plaît.
Où l'avez-vous mis? La question sous-entend l'espoir de trouver Lazare Vivant. Elle indique que ce sont eux qui ont mis Lazare au tombeau, lieu de mort sans espérance. La tombeau n'est pas le lieu de ceux qui ont adhéré à Jésus.
En disant « Retirez la pierre » Jésus demande à la communauté de se dépouiller de sa croyance. Les morts n'ont pas à être séparés des vivants. Les morts peuvent être vivants. Mais les vivants peuvent aussi être morts. La pierre enlevée, la frontière entre morts et vivants disparaît. La pierre ne laissait ni entrer ni sortir. Signe du point final de l'existence, elle occultait la présence de la Vie au delà de la mort.Sachant que Lazare avait accepté la Vie avant sa mort, Jésus est sûr qu'il est encore vivant. Qui plus est, il possède maintenant en plénitude la vraie Vie. « Celui qui croit en moi, même s'il est mort, vivra ». La Vie est compatible avec la mort.
Il sent déjà. La réalité tragique de la mort s'impose à Marthe. Jésus veut lui montrer que ce n'est pas la fin, mais aussi que sans la mort de l' « ego » on ne peut parvenir à la vraie Vie. La mort ne cesse d'être l'horizon ultime que lorsqu'elle s'assume et se dépasse. « Si le grain nemeurt...» Personne ne peut être dispensé de mourir, pas même Jésus. Nicodème est invité par lui à naître de nouveau. Cette naissance-là est impossible si nous ne mourons pas auparavant à tout ce que nous croyons être. C'est la clé du message de Jésus.
La prière de Jésus à ce moment-clé est très importante. En levant les yeux « au ciel » et en « rendant grâce au Père », Jésus se situe dans la sphère du Père. Sa vie est la vie même de Dieu. Il n'est pas dit que Jésus ait demandé quoi que ce soit. C'est l'action de grâces qui englobe tout. Celle ci s'exprime par un geste et une parole, acte qui exprime de la part de Jésus une attitude permanente.
Lazare, viens dehors ! Le cri exprime que le tombeau où on l'avait placé n'est pas l'endroit où il devait être. Ce sont eux, ceux qui l'écoutent, qui l'avaient placé là. Le croyant n'est pas destiné au tombeau, car même s'il meurt, il est encore vivant. Par son cri, Jésus veut montrer Lazare vivant dans la mort. Ceux à qui le cri est destiné sont les présents, pas Lazare. Ils doivent se convaincre que la mort physique n'a pas interrompu la Vie. Entendu littéralement, c'est absurde. Pour que le mort l'entende, il lui fallait crier fort !
Le mort sortit, les jambes et les bras liés. Les membres attachés montrent l'homme incapable de mouvement et d'action, et donc incapable de développer son humanité (l'aveugle né). Qui ne naît pas à la Vie nouvelle, demeure pieds et mains liés et incapable de grandir comme être humain. Une fois encore, il est impossible de comprendre la phrase littéralement: Comment a-t-il pu sortir avec les jambes attachées?
Lazare montre tous les attributs de la mort, mais il sort lui-même parce qu'il est vivant. Tous doivent être conscients de sa nouvelle situation. « Détachez-le et laissez le aller ». Ceux qui l'ont attaché sont ceux qui doivent le libérer. Il ne rend pas Lazare à la communauté, mais le laisse libre. Eux aussi doivent se libérer de la peur de la mort qui paralyse. Sachant à présent que mourir ne veut pas dire cesser de vivre, il pourront comme Jésus faire don de leur vie.
écrit par Fray Marcos
Méditation-contemplation
Je suis la Vie par delà le biologique.
Il s'agit de la Vie qui ne finit pas, la vie définitive.
Elle est plus que la vie même de Dieu communiquée à l'homme.
Elle l'UNIQUE VIE qui l'inonde tout entier.
Ce n'est pas quelque chose que Dieu nous donne ou ne nous donne plus.
C'est Dieu lui même nous communiquant son être même.
Son être qui est le centre de notre être véritable.
Jésus nous invite à découvrir et à vivre cette réalité-là.
Cette Vie divine n'interfère pas avec la vie biologique.
La biologie a ses lois propres.
Celles ci n'empêchent pas la Vie, elles la rendent possible.
La mort elle-même n'a aucune répercussion dans la Vie.
Paru dans Feadulta.com
Avril 2014
(Traduction Maurice Audibert)