Venerdì, 04 Novembre 2011 22:02

Ézéchias entre puissance et périls (Philippe Abadie)

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Laissant de côté quelques rois de moindre stature, nous rencontrons bientôt Achaz, puis son fils Ézéchias. Véritable créateur du royaume de Juda, Ézéchias a marqué son temps et est mentionné au-delà de la Bible. Il n'empêche que, sous son règne, Jérusalem faillit tomber aux mains des Assyriens...

716 - 687 avant Jésus-Christ

Le livre des Rois oppose vigoureusement Achaz à son fils Ézéchias. Si le père fait appel à l'Assyrie contre Damas et Israël (2 R 16, 5-9) et construit dans le Temple un autel nouveau selon un modèle «païen», reléguant ainsi - au dire du narrateur biblique - l'autel du Seigneur au rebus (2 R 16, 1016), le fils, lui, apparaît comme un yahviste fervent et un opposant farouche à l'Assyrie.
S'opposent alors les figures de l'apostat absolu (2 R 16, 2b-4) et du roi fidèle au chemin de David (2 R 18, 3). Si l'un démantèle le Temple «en considération du roi d'Assyrie» (2 R 16,17-18), l'autre
«supprima les hauts lieux, brisa les stèles, coupa le pieu sacré et mit en pièces le serpent d'airain que Moïse avait fabriqué» (2 R 18, 4; voir Nb 21,8-9 et Sg 16, 6-7), parce que devenu objet d'idolâtrie.

Les grandeurs du règne

Pourquoi grandir ainsi Ézéchias? Il est vrai qu'au regard de l'histoire, Ézéchias apparaît comme le véritable créateur du royaume de Juda. Une part importante de la littérature biblique se rapporte à son temps, à commencer par 2 Rois 18 - 21 et le récit parallèle, assez largement amplifié, de 2 Chroniques 29 - 32; mais il faut compter aussi avec les oracles anciens d'Isaïe et de Michée, sans oublier Proverbes 25, 1 selon lequel des scribes d'Ézéchias auraient transcris le «deuxième recueil de proverbes de Salomon».
Ajoutons à cela que pour aucun autre souverain biblique, hormis Achab d'Israël, la documentation externe à la Bible n'est aussi importante: elle se compose des annales du roi Sennachérib (voir p.16), ainsi que du bas-relief de son palais de Ninive qui retrace la prise de la forteresse judéenne de Lakish (voir p. 17). Voilà qui témoigne d'une politique de grandeur, qu'attestent par ailleurs différents grands travaux entrepris à Jérusalem: le percement dans le rocher d'un canal de plus de cinq cents mètres, depuis la source du Gihôn jusqu'au réservoir de Siloé (voir 2 R 20,20 et surtout l'inscription en paléo-hébreu retrouvée sur place, attestant de l'exploit, placée ci-contre); l'érection d'une seconde muraille pour protéger à l'ouest de la cité les populations réfugiées du Nord (voir p. 18). Diverses tombes princières au nord et à l'ouest de Jérusalem appartiennent aussi à son temps (certaines sont situées dans le jardin de l'École biblique et archéologique française, voir p.18). D'une modeste bourgade, à peine une cité, Ézéchias fit une vraie capitale, héritant tout à la fois du passé judéen et des traditions israélites nordistes apportées ici par les réfugiés. Du point de vue de l'historien, c'est à lui qu'on doit le premier Israël «véritablement» unifié, et non à David.

Récits de l'expédition assyrienne de 701

Pour autant, la plus grande part du récit biblique est moins consacrée à cette politique de grandeur qu'à un épisode dramatique: l'expédition du souverain assyrien Sennachérib contre le royaume de Juda (2 R 18, 13 - 19, 37). Au-delà de l'événement, la lecture de cet ensemble témoigne de la longue élaboration de l'écriture biblique, puisque ne s'y mêlent pas moins de trois versions. La plus ancienne («récit A»: 2 R 18, 13-16) semble assez proche des faits. Elle se présente comme une chronique historique construite à la manière d'une leçon de sagesse politique: il faut savoir s'incliner devant le plus fort. Le récit n'en contient pas moins des renseignements fiables, et mérite d'être comparé à ce que disent les Annales de Sennachérib: «[...] Quant à Ézéchias de Juda, je l'enfermai dans Jérusalem sa ville royale comme un oiseau en cage; j'érigeai contre lui des fortifications et je le dégoûtai de sortir par la grand-porte de sa ville. Je retranchai de son pays ses villes que j'a vais razziées et je les donnai à Mitinti, roi d'Ashdod, à Padî, roi d'Eqrôn, et à Cilbêl, roi de Gaza, et je réduisis son pays. Je lui imposai comme offrande due à ma souveraineté un tribut que j'ajoutai à la redevance antérieure qu'ils livraient annuellement [...]».
De l'une à l'autre source, il ressort que Jérusalem ne dut son salut qu'à la prompte capitulation de son roi.
On ne saurait en dire autant des deux autres versions, qui constituent des développements secondaires du «récit A». L'une («récit B»: 2 R 18,17-19 -19, 9a.36-37) valorise surtout le rôle du prophète Isaïe. Cette première relecture de l'événement légitime le recours à Dieu dans l'épreuve et exalte la confiance des Judéens, ce qui n'est pas sans évoquer l'esprit de 1 Samuel 17,40-54 où le fragile David affrontait le terrifiant Goliath. En faisant appel à Dieu plus qu'à des alliances humaines pour défendre sa cause, Ézéchias apparaît à nouveau comme l'inversion positive d'Achaz qui, placé devant pareil dilemme, fit preuve d'un manque de confiance évident (voir Is 7, 1 ss.). Mais la clé de ce récit ressort davantage encore du discours du grand échanson (2 R 18, 19-25), en lequel l' officier assyrien oppose:

  • la faiblesse d'Ézéchias: en 2 Rois 18, 20a (a) et en 2 Rois 18, 23-24a (a');
  • la confiance (nuisible) en l'Égypte: en 2 Rois 18,21 (b) et en 2 Rois 18, 23-24b (b');
  • la confiance (illusoire) en YHWH: en 2 Rois 18, 22 (c) et en 2 Rois 18, 25 (c').

L'intervention d'Isaïe (2 R 19, 6-7) en constitue l'exact contre-point, qui déploie sa part de vérité dans sa pleine réalisation en Assyrie: de retour chez lui, Sennachérib, «nouveau Goliath», meurt assassiné - tandis qu'Ézéchias (et Juda avec lui) est sauvé de la destruction. Écrit après les événements, ce «récit B1» pourrait dater du milieu du 7e siècle (aux environs de 660), comme réponse à la politique jugée impie de Manassé, soumis à l'Assyrie.

Une critique des Judéens du temps de la chute de Jérusalem

La seconde relecture «récit B2» : 2 R 19, 9b-35) présente un autre point de vue qui harmonise certaines des thématiques de l'Exode, comme l'action miraculeuse de l'ange de YHWH venant au secours d'Israël. Il s'agit alors de célébrer l'intervention de Dieu et d'exalter
« l'inviolabilité» de Jérusalem, la Ville sainte. Toute une série d'oracles anti-assyriens présents dans le livre d'Isaïe en constitue ses plus proches parallèles (ainsi Is 8, 8b-l0; Is 10, 12.16-19.24-27;
mais surtout Is 31, 5.8-9). Œuvre d'un auteur exilique - qui prend appui à la fois sur «B 1» et sur les relectures anti-assyriennes du livre d'Isaïe, au temps du roi Josias -, ce «récit B2» cherche à montrer que Jérusalem en 701 dut son salut à la foi de son roy.
Si YHWH n'a pas renouvelé en 587 la «protection» qu'il avait accordée alors, n'est-ce pas parce que le comble de l'idolâtrie a été atteinte, et que Sédécias ne fut pas «fils de David» au même titre que son ancêtre? L'enjeu de cette ultime relecture est donc théologique, elle ne dit rien sur l'histoire elle-même, et c'est en vain qu'on cherche à expliquer la mort qui ravage le camp assyrien par une soudaine épidémie de peste en évoquant un énigmatique récit d'Hérodote (Enquête II, 141), situé d'ailleurs en tout autre contexte. ...

Philippe Abadie

(Biblia  n. 58, pp. 16-22)

 

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Fausto Ferrari

Religioso Marista
Area Formazione ed Area Ecumene; Rubriche Dialoghi, Conoscere l'Ebraismo, Schegge, Input

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