640 - 609 avant Jésus-Christ
De nul autre roi que Josias on ne dit qu'il suivit avec tant de droiture le chemin de David, son père. Le jugement théologique porté sur lui en 2 Rois 23, 25 : «Il n'y eut avant lui aucun roi qui se fût, comme lui, tourné vers YHWH de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force [selon toute la Loi de Moïse]» reprend littéralement le grand commandement de Deutéronome 6, 5:
«Tu aimeras YHWH ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de [toute ta force]». Cela n'est dit d'aucun autre roi, et détermine sans doute la conclusion d'une première grande édition de l'histoire deutéronomiste, commencée en Deutéronome 6, 5.
Un roi selon le cœur de Dieu
D'emblée, le jugement est positif, sans aucune restriction: «Il fit ce qui est agréable à YHWH et imita en tout la conduite de son ancêtre David, sans en dévier ni à droite ni à gauche» (2 R 22, 2), et le récit se concentre sur une unique année du règne: la dix-huitième, soit 622 quand fut découvert dans le Temple le rouleau du livre de la Loi (2 R 22,3 - 23,24). Le lecteur assiste dès lors à un véritable «parcours» du livre qui, passant de mains en mains, aboutit à la lecture publique par le roi et aux réformes. Jean -Marie Carrière en propose l'itinéraire suivant (Le livre du Deutéronome, Éd. de l'Atelier, 2002, pp. 18-21):
- Au point de départ, le livre de la Loi est trouvé dans le Temple par le grand prêtre Hilqiyyahu qui le transmet au secrétaire Shaphân (2 R 22; 8): nous voici dans la sphère originaire du «sacré», tant par la fonction du découvreur que par le lieu;
- Puis, «[...] Shaphân le lut devant le roi » (2 R 22, 10): le livre quitte son lieu originaire pour rejoindre le lieu du pouvoir, la royauté;
- C'est alors qu'il a besoin d'être authentifié par l'instance prophétique; aussi, sur ordre du roi, «le prêtre Hilqiyyahu, Ahiqam, Akbor, Shaphân et Asaya se rendirent auprès de la prophétesse Hulda» (2 R 22,14): seul le prophète peut dire la vérité d'une telle parole d'alliance;
- Il ne reste plus alors au roi qu'à lire «devant eux [tout le peuple] tout le contenu du livre de l'Alliance trouvé dans le Temple de YHWH» (2 R 23, 2).
Une première réflexion sur l'écrit
Ainsi, parti du Temple, le livre atteint-il tout Israël par une double médiation qui reste au cœur de son histoire: le prophète et le roi. Cette brève analyse d'un récit majeur du livre des Rois met en lumière sa portée: autant qu'un fait de l'histoire, le récit de 2 Rois 22 constitue une première grande réflexion théologique sur le statut de l'écrit: le livre de la Loi de Moïse, et la lecture publique qu'en fait le roi, ainsi que les réformes qui en découlent, anticipent déjà l'œuvre d'Esdras au retour d'Exil (voir la lecture solennelle de la Loi en Néhémie 8). Si Josias renvoie d'une part à Josué qui, avant lui, à l'orée de la conquête, fit lecture au peuple de la Loi de Moïse (Jos 8, 32-35), il annonce d'autre part le règne de la Torah dont Esdras est la figure symbolique. En cela, Josias est plus que le « saint » du livre, il en est aussi - avec « son ancêtre David » (2 R 22,2) -la figure majeure.
Pour mieux en rendre compte, le récit des réformes qui suivent se calque assez étroitement sur la première séquence, de sorte que le livre demeure toujours au centre de l'intrigue (voir ci-dessus).
Une perte tragique
Comment un tel roi peut-il connaître une fin si peu glorieuse? «De son temps, le pharaon Neko, roi d'Égypte, monta vers le roi d'Assyrie, sur le fleuve de l'Euphrate. Le roi Josias se porta au devant de lui mais Neko le fit périr à Megiddo, à la première rencontre.» (2 R 23, 29.) Les circonstances d'une telle mort restent difficiles à cerner, tant le texte reste elliptique. S'agit-il d'un assassinat, d'une mort au combat ou d'une exécution? Que voulait Josias? Voulut-il s'opposer au passage du Pharaon comme le précise le récit parallèle: «Neko, roi d'Égypte, monta combattre à Karkémish sur l'Euphrate. Josias s'étant porté à sa rencontre [...] » (2 Ch 35, 20.) Mais ce récit, chargé théologiquement veut montrer que Josias fut frappé pour avoir méconnu la volonté divine dont Neko était porteur. Il est donc difficile de lui accorder une portée historique.
Reste que la Bible témoigne ici d'un scandale: l'impie Manassé a connu un si long règne tandis que le juste Josias mourut si jeune! N'y a t-il pas déjà - surtout dans le récit du Chroniste - l'amorce d'une éflexion sur la souffrance du serviteur, puisqu'on lit « érémie composa une lamentation sur Josias, que tous le chanteurs et les chanteuse récitent encore aujourd'hui dans leurs lamentations sur Josias; on en a fait une règle en Israël, et on trouve ces chants consignés dans les Lamentations.» (2 Ch 35, 25)?
Philippe Abadie
(Biblia n. 58, pp. 26-28)