Mercoledì, 01 Maggio 2013 16:10

Le pape François et la théologie de la libération (Leonardo Boff)

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Que le pape François n'utilise pas le terme « théologie de la libération » n'a aucune importance. L'important c'est qu'il parle et agisse de façon libératrice.

Beaucoup continuent à se demander si le pape François, venant d'Amérique Latine, est un partisan de la théologie de la libération. Cette question n'a pas de sens. L'important n'est pas qu'il fasse partie de la théologie de la libération, mais qu'il soit du coté de la libération des opprimés, des pauvres et des victimes de l'injustice. Or il l'est, indiscutablement. En réalité, tel a toujours été le but de la théologie de la libération. L'urgence, c'est la libération concrète de la faim, de la misère, de la dégradation morale et de la rupture avec Dieu. Cette réalité-là fait partie des biens du Royaume de Dieu et elle figurait parmi les objectifs de Jésus. Ensuite, mais en second lieu, vient la réflexion sur le fait réel: dans quelle mesure le royaume de Dieu se réalise-t-il déjà ici bas et dans quelle mesure le christianisme, avec le capital spirituel transmis par Jésus, peut-il collaborer à cette nécessaire libération, aux cotés d'autres groupes humanitaires.

Cette réflexion postérieure, appelée théologie, peut exister ou non. Ce qui est capital c'est qu'advienne vraiment la libération. Il existera toujours des esprits attentifs au cri des opprimés et de la Terre dévastée qui se demanderont: avec ce que nous avons appris de Jésus, des apôtres et de la doctrine chrétienne multiséculaire, comment pouvons-nous apporter notre contribution au processus de libération? C'est ce que réalisa toute une génération de théologiens et de théologiennes, d'hommes et de femmes engagés, de religieux et de religieuses, d'évêques et de prêtres des années 60 au siècle dernier, et qui se prolonge de nos jours parce que le nombre de pauvres ne cesse d'augmenter et que leur cri est aujourd'hui une clameur.

Or c'est cette option pour les pauvres qu'a fait le pape François, qui a vécu et vit pauvrement en solidarité avec eux et a dit clairement lors d'une de ses premières interventions: «Comme j'aimerais une Eglise pauvre et pour les pauvres». En ce sens, le pape François réalise l'intuition primordiale de la théologie de la libération et soutient ce qui en est la caractéristique: l'option préférentielle pour les pauvres, contre la pauvreté et en faveur de la vie et de la justice.

Pour lui cette option est non seulement un discours, mais un choix de vie et une spiritualité. A cause des pauvres il est tombé en disgrâce aux yeux de la présidente Cristina Kirchner, suite à sa demande d'un engagement politique plus clair face aux problèmes sociaux qui représentent des injustices; ces derniers sont théologiquement un péché social envers le Dieu vivant qui, dans la Bible, a toujours montré qu'il était du coté de ceux qui « vivent moins », à savoir les pauvres et les victimes de l'injustice. En 1990 l'Argentine comptait quelque 4% de pauvres. Aujourd'hui, sous la pression du capital national et international, ce chiffre s'élève à 30%. Ce ne sont pas seulement des chiffres. Pour une personne sensible et spirituelle comme le pape François, cela représente un chemin de croix de souffrance, les larmes d'enfants affamés et le désespoir de parents sans travail. Je me rappelle une phrase écrite un jour par Dostoïevski: «Tout le progrès du monde ne vaut pas les pleurs d'un enfant affamé». Cette pauvreté, insiste fermement le pape François, n'est pas vaincue par de l'assistance, mais par les politiques publiques des gouvernements qui rendent leur dignité aux opprimés et suscitent des citoyens autonomes.

Que le pape François n'utilise pas le terme « théologie de la libération » n'a aucune importance. L'important c'est qu'il parle et agisse de façon libératrice. Il est plutôt bien que le pape ne s'affilie pas à un certain modèle de théologie, que ce soit celui de la libération ou n'importe quel autre.

Les théologiens et les historiens savent que la catégorie de « magistère » attribuée aux papes est une création récente. Elle a été employées par les papes Grégoire XVI (1765-1846) et Pie X 1835-1914) et elle est devenue courante avec Pie XII (1876-1958). Le « magistère » était auparavant formulé par des docteurs en théologie et non par les évêques ou le pape. Ces derniers sont maîtres de la foi. Les théologiens sont maîtres de la compréhension de la foi. C'est pourquoi il ne revient pas aux évêques et au pape de faire de la théologie, mais de témoigner officiellement et de garder avec zèle la foi chrétienne. C'est aux théologiens et théologiennes qu'il revient d'approfondir ce témoignage avec les outils intellectuels que propose la culture présente. Quand un pape commence à faire de la théologie, comme c'est arrivé dernièrement, il se crée une grande confusion dans l'Eglise, la liberté de recherche disparaît et le dialogue avec d'autres savoirs est rompu.

Grâce à Dieu, le pape François se présente explicitement comme pasteur et non comme docteur et théologien, fût-ce « de la libération ».

Leonardo Boff

(Traduction française Maurice Audibert)

 

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Fausto Ferrari

Religioso Marista
Area Formazione ed Area Ecumene; Rubriche Dialoghi, Conoscere l'Ebraismo, Schegge, Input

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